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Auteur : Nazir Hamad

L'enfant, la perversion et le psychanalyste

J’espère que ce ne sera pas une perte de temps de reprendre avec vous ici les éléments de l’accusation de pédophilie portée à l’égard de Françoise Dolto par des anges blancs protecteurs des enfants et de la moralité publique. Faut-il leur répondre ? Personnellement, je crois que oui, d’autant plus qu’il y a, de nos jours, peut-être plus que d’habitudes, une volonté manifeste de nuire, qui prend la psychanalyse et les psychanalystes pour cible. Je me contente de vous commenter deux extraits parmi plusieurs autres où Dolto apparaît à leurs yeux comme pédophile.
Il s’agit de son livre « La causes des adolescents » paru chez R. Laffont en 1988. Dans ce livre, elle répond à un ensemble de questions sur l’adolescence, une démarche qu’elle avait déjà commencé quelques années plutôt dans un autre travail qui s’intitule : « La cause des enfants », paru en 1985 et qui a connu un grand succès à l’échelle européenne.
Revenons aux textes cités par ses accusateurs afin de les commenter. La cause des adolescents est livre construit autours d’un ensemble de questions et dont l’ensemble fait un livre mal révisé et quelque peu bâclé. Voici une première question à laquelle Dolto répond en mettant les psys en cause allant jusqu’à les accuser de pédérastie.
Cette question est : Est-ce que aujourd’hui forme-t-on autrement les psychiatres ? Dolto : « On ne peut pas les forcer à faire une analyse.
Regardez ces lieux de vie qui ont tous été des lieux de pédérastie, avec les meilleurs psychiatres pédophiles, pédérastes. En même temps, ils ont des esclaves (je veux dire des éducateurs) qui leur permettent de comprendre ce monde d’enfants. Ils sont aussi fragiles car ce sont les enfants délinquants qui les manoeuvrent. Une fois qu’un délinquant est à froid, en dehors de ses pulsions, il joue la comédie pour ne pas se faire prendre par le père que représentent les flics.
On laisse en liberté des jeunes qui ont violé parce qu’il n’y a pas de crime de sang ».
Et puis se référant aux groupes adolescents violeurs et violents, elle rajoute : « Ce ne sont pas des « humains ». Ils n’ont pas eu dans leurs pulsions préalables des limites : ils pouvaient agresser, voler, tuer. Quand arrive le désir génital, pourquoi sentiraient-ils une limite, un obstacle à ne pas franchir ? Ils n’ont pas appris que l’autre est un semblable en dignité humaine ».
Question : « Si on rayait la notion de mineur » ?
Dolto : « Cette notion porte avec elle une mentalité rétrograde qui ne fait pas confiance à l’être humain, ni l’adulte, ni l’enfant dans ses rapports aux autres. Une mentalité empreinte de peurs, de préjugés, d’intolérance et de méfiance. Ce qu’il faudrait c’est que la loi ne s’occupe pas de l’âge. Ne s’occupe que de l’inceste, des relations entre parents proches, frères, sœurs, parents etc. »
J’admets qu’avec une telle réponse les choses deviennent difficiles à comprendre.
En fait Dolto n’encourage pas, en tout cas, pas plus que vous et moi, les relations sexuelles entre adultes et adolescents. Elle a une approche psychanalytique et s’y limite strictement. Elle commente ce qui se passe dans l’intimité d’une séance avec les enfants. Cela, elle ne le prêche pas, elle cherche à cerner ce qui se passe dans la tête d’un adolescent quand il tombe amoureux d’un adulte.
La question est la même pour nous, du moins, pour ceux, qui comme moi, s’occupent des enfants et des adolescents. Que nous faut-il faire quand des jeunes filles et des jeunes garçons nous révèlent qu’ils sont amoureux d’un adulte et qu’ils ont l’intention de coucher avec lui ou avec elle ? Dolto ne moralise pas, elle ne juge pas. Pour elle, c’est un amour comme un autre et que cet amour est aussi respectable que l’amour entre adultes. Le tout est de savoir si l’adolescent est sous l’influence de l’adulte ou s’il le fait parce qu’il est tout simplement amoureux.
Ma position quant à moi, c’est de dire aux enfants que je respecte le secret professionnel et que je ne dis rien aux parents sauf si je juge et le jeune est d’accord avec moi, qu’il est en danger. Si tel est le cas, je lui propose d’associer les parents, et c’est normal, car ils ont l’autorité parentale et qu’ils ont le droit de me demander des comptes.
J’ai eu l’occasion de recevoir des confidences de la part de jeunes adolescents et il m’est arrivé d’avertir les parents. J’ai connu des filles qui s’exposaient toutes nues pour des correspondants qui le leur demandaient. Il y’en a même qui faisaient le mur pour aller à des rendez vous galants avec des hommes adultes. J’en ai connu une qui a commencé à fréquenter à partir de l’âge de 13 ans. Elle a tout simplement menti sur son âge, et choses curieuses, on l’a cru. Elle allait à des soirées torrides selon ses dires. Les parents séparés, elle avait pris l’habitude de mentir à l’un sous prétexte qu’elle était chez l’autre, ou du moins d’avoir averti l’autre. Les parents sont souvent dépassés et finissent parfois par accepter le fait accompli faisant contre mauvaise fortune bon cœur.
Le problème n’est donc pas moral, il est autre, et c’est cette autre chose qui intéresse le psychanalyste.
Vous savez sans doute que Dolto avait choisi de s’adresser au public. Elle s’est donnée pour mission de faire de la prévention. Elle s’adressait aux enfants, aux jeunes et à leurs parents. Ça a marché fort, tellement fort que les trois tomes de « Lorsque l’enfant paraît » se sont vendus à des centaines de milliers d’exemplaires dans le monde.
Dolto s’est engagée à parler aux familles dans un langage simple et compréhensible, bien que ses écrits présentent de la difficulté. Lacan disait : « Je ne parle pas pour les idiots » ou encore, « Je parle à ceux qui se connaissent, aux non idiots ». Par non-dits, Lacan désigne les initiés, ceux qui savent lire, non seulement les mots et les lignes mais aussi entre les mots et les lignes. Autrement dit, il parlait à tous ceux qui ont fait un travail sur l’inconscient chez eux comme chez les autres.
Dolto par contre parlait aux « idiots », pour rester dans la signification lacanienne du mot idiot, les non initiés. Elle dit : « Il se trouve, que j’ai la possibilité de faire passer les choses dans un langage courant. Tout le monde me le dit. Je peux avec quelques mots, faire comprendre, faire avancer les gens dans la compréhension de ce qu’il y a d’inconscient, donc de vivant, de dynamique dans les comportements qu’ils déplorent. Alors que d’habitude d’autres sont obligés d’utiliser tant de paroles qu’on n’y comprend rien. La vie inconsciente est comme une pelouse où il n’ y a qu’à se baisser pour cueillir un brin d’herbe pour comprendre sa couleur. Ca vous entoure et c’est tout le temps présent. »
Cela, elle y croit fort, au point de nous dire qu’il est du devoir de l’analyste de parler de sa clinique comme de sa vie afin de lever tout mystère qui enveloppe sa personne. Elle évoque le cas de Lacan nous disant : « On ne connaît rien sur lui. Une personne dont on ne connaît rien sur sa vie, est très particulière. A mon avis, camoufler son origine, son enfance jusqu’au bout, comme l’a fait Lacan, est quelque chose de louche chez un analyste. Un analyste ne doit pas se camoufler derrière le mystère de sa vie, de sa vie d’enfant dont il s’est construit. C’est un défaut dans l’analyse. Freud a vraiment tout dit de sa vie familiale. Moi, j’essaie de tout dire, parce que cela fait partie de la personne. On la prend comme elle est et on la comprend à travers son incarnation, sa manière d’avoir été formée à la vie. Lacan par contre, voulait être abstrait, un mage ».
Et elle rajoute : « Il n’y avait pas vis-à-vis de lui une fin d’analyse parce qu’on ne pouvait pas mettre son analyste à sa réalité. Il restait un gourou, et je pense que cela venait de lui de son extrême pudeur, sans doute un noyau phobo-hystérique d’avant deux ans, qui n’était pas assez analysé. Je parlais avec lui. Il m’écoutait, et me disait : « Tu as tout à fait raison. » et quand je répliquais : « Ce n’est pas beaucoup, dis moi plus, » il se contentait de répondre : « Mais je n’ai rien à ajouter. » Si bien qu’il y avait une estime réciproque entre nous. Il m’envoyait des cas avec lesquels il n’arrivait plus à rien. Très anxieux, quand un de ces cas ne marchait pas, il me téléphonait, parfois la nuit pour me dire : « Je suis très inquiet d’un patient.. Prends le…tu me l’enverras quand ce sera le moment, moi je ne peux plus rien faire, et puis il me doit de l’argent. J’en ai assez de lui, assez d’elle, j’en ai ma claque.» Si je lui disais que j’étais occupée, il ne faisait pas attention et continuait : « fais cela pour moi, je t’en prie. Ainsi, il m’envoyait des cas incroyables.
Pour Lacan, Dolto faisait partie de ces non idiots. De tous ceux qui l’ont suivi, Lacan avait un rapport de respect pour sa clinique et d’amitié que je pourrais qualifiée de transférentielle. Vous ne le savez peut-être pas, Lacan dormait peu. Rien ne l’empêchait de téléphoner à Françoise à trois heures du matin pour lui parler et lui demander des choses. De temps en temps, il lui demandait de prendre sa relève dans le travail analytique qu’il menait avec un de ses patients quand il avait l’impression que ce travail stagnait. Dolto se trouvait souvent acculée à recevoir des patients qui n’avançaient plus avec Lacan. Il pouvait lui parler une heure durant et Françoise avait du mal à l’arrêter. Un jour, m-a-t-elle dit, c’est son mari, Boris, qui prit le récepteur de la main de sa femme et dit fermement à Lacan : « Tu fous la paix à ma femme, et maintenant, il est temps d’aller dormir. » Son intervention a été drôlement efficace.
Tout le monde connaît sans doute cette réponse de Lacan à Dolto quand celle-ci lui dit qu’elle n’arrivait pas à tout comprendre de sa théorisation, Lacan lui répliqua : « Tu n’as pas besoin de comprendre, tu fais ce que je dis ». Et nous voilà encore une fois devant ce qu’il appelle les « non-idiots ». Il lui dit en quelque sorte, ton inconscient comprend ce que je dis, et c’est pour cela, tu fais en accord avec ce que je théorise. Entre les deux, il y a un va et vient où l’enjeu du savoir inconscient est clairement posé.
Seulement voilà, il y a parfois des ratés. Si vous revenez au séminaire IV, 56/57, à la leçon 4. Lacan commence par nous dire « vous avez entendu hier soir un exposé de Mme Dolto sur l’Image du corps. Les circonstances ont voulu que je n’aie pas pu en dire autre chose que tout le bien que j’en pensais.
Si nous partons maintenant de l’image du corps telle qu’elle nous a été présentée hier soir pour la situer par rapport à ce séminaire, je dirai ceci, et qui est évident au premier chef, l’image du corps n’est pas un objet.
Si on a parlé hier soir d’objet, c’est fut pour tenter de définir les stades du développement, et en effet la notion d’objet est importante à cet égard. »
Vous savez sans doute que Lacan a récusé les stades de Freud et que Dolto dans « l’image inconsciente du corps » y revient largement, introduisant la notion de castration symboligène.
Si je vous évoque cela c’est encore pour vous dire pourquoi Dolto a choisi de s’adresser au public. Il s’agit de sa position théorique sur la castration.
« La castration en psychanalyse rend compte du processus qui s’accomplit chez un être humain lorsqu’un autre être humain lui signifie que l’accomplissement de son désir, sous la forme qu’il voudrait lui donner ; est interdit par la loi. Cette signification passe par le langage, que celui-ci soit gestuel, mimique ou verbal. » F. Dolto, L’image inconsciente du corps, Seuil, 1984, p. 78.
Quelle est cette loi ? « La loi dont il s’agit n’est pas seulement une loi répressive. Il s’agit d’une loi qui, si même elle paraît momentanément répressive pour l’agir, est en fait une loi promotionnante du sujet dans la communauté des humains. Ça ne peut jamais être la loi de tel adulte qui la profère à son profit contre l’enfant. C’est la loi à laquelle est soumis cet adulte, comme l’enfant. » ibid, p.80.
On comprend encore mieux son travail sur la castration et l’image inconsciente quand elle rajoute : « Les castrations au sens psychanalytique sont des épreuves de partitions symboliques. Elles sont un dire et un agir signifiant, irréversibles et qui font loi, qui ont donc un effet opérationnel dans la réalité, toujours pénible au moment où ladite castration est donnée. Mais elles sont aussi nécessaires au développement de l’individuation de l’enfant par rapport à sa mère, puis à son père et à ses proches, qu’au développement du langage. » ibid. p.82/83. On comprend donc que les castrations se donnent à un enfant qui les reçoit, et si cela marche c’est parce que le désir chez les humains est l’appel à la communication interhumaine qui se structure bien avant que l’enfant ne maitrise l’échange verbal.
Je me contente ici de relever un point qui va nous aider à comprendre pourquoi Dolto reste dans ce que Lacan va rejeter, c’est-à-dire la notion des stades et les castrations correspondantes. Pour moi, il s’agit d’un malentendu qui est lié à l’idée qu’elle se fait du signifiant. La castration se fait avec les signifiants maternels qui médiatisent les pulsions dans leur relation aux objets partiels. Le développement de l’enfant, explique-t-elle, va dépendre de la synchronisation et de l’accord de la communication entre l’enfant et la mère. Les pathologies liées à l’image inconsciente du corps, ainsi qu’au stade du miroir, sont à lier au désaccord et à la confusion entre ce qu’il en est du besoin et ce qu’il en est du désir.
“Dès la naissance” écrit-elle, “ce sont des paroles et des phonèmes qui ont accompagné les contacts perçus par le corps de l’enfant.
Les mots avec lesquels nous pensons ont été à l’origine des mots et des groupes de mots qui ont accompagné des images du corps en contact avec le corps d’autrui. Ces mots seront entendus et compris par l’enfant différemment selon le stade auquel il est parvenu. (Dolto Image inconsciente du corps, p.150)
Nous savons avec Freud et Lacan que la pulsion n’a pas d’objet spécifique, un objet qui soit en adéquation. Cet objet ne saurait être que l’objet du besoin, qui satisfait le besoin, comme le besoin de manger par exemple. Donner les castrations par le parler vrai, a pour but l’inscription signifiante qui marque le corps de son effet symbolique. En cela Dolto rejoint Lacan quand celui-ci nous dit que « le corps se corporise de manière signifiante. » L’objet du désir est pour elle la communication par le langage.
Voilà pourquoi Dolto invite les tuteurs de l’enfant et les spécialistes de la première enfance à parler aux bébés. Parler a pris chez quelques uns la dimension de savoir et de maitrise, alors que parler pour elle signifie une reconnaissance mutuelle d’un désir à l’œuvre, le désir de communiquer. « Les enfant comprennent tout », répète-t-on souvent se référant à Dolto.
La dessus, Lacan nous dit : « l’enfant intègre la parole de l’adulte alors qu’il n’en perçoit pas encore le sens, mais seulement la structure. Ce serait en somme de l’intériorisation. Nous aurons ici la première forme nous permettant de concevoir ce qui est le surmoi. » Encore.
Cela a des conséquences importantes en ce qui concerne le travail avec les enfants. Pour Lacan, la question du sujet ne se réfère pas à ce que peut résulter d’un tel sevrage, abandon, manque vital d’amour ou d’affection, cette question concerne son histoire en tant qu’il la méconnaît…. Sa vie est orientée par une problématique qui n’est pas celle de son vécu, mais celle de son destin. Le destin est une parole, une matrice méconnue de la part du sujet, et c’est là le niveau propre du symptôme analytique, niveau décentré par rapport à l’expérience individuelle, puisque c’est celui du texte historique qui l’intègre.
Le symptôme ne cédera qu’à un niveau décentré. » Séminaire II, Le moi dans la théorie de Freud, p. 58
Une autre conséquence découle de cette position particulière de l’autre maternel. Cet autre transitive et s’il le fait c’est d’un savoir qui donne à sa place une valeur primordiale dans ce qui préside au destin du parlêtre. D’où vient ce savoir ? Pour Lacan, ce savoir est quelque chose qui se fonde sur un rapport à lalangue, ou plus précisément, la cohabitation avec elle, sans quoi il n’y a pas d’intersubjectivité possible. Lacan, 1966, p.128. Une troisième conséquence non moins intéressante est celle qui tourne autour de la question du sujet. Dolto parle d’un sujet déjà-là avant même l’arrivée de l’enfant au monde pour s’incarner en lui. Et elle ajoute étonnée de la résistance des analystes à comprendre ce raisonnement : « Pour Lacan le sujet est un trou. » Lacan pose l’Autre et non pas le sujet comme étant déjà-là. Il fait du sujet une hypothèse et nous dit que « la seule preuve que nous ayons que le sujet se confonde avec cette hypothèse et que ce soit l’individu parlant qui le supporte, c’est que le signifiant devient signe. » (Encore, Livre XX, 72/73, P.129) Autrement dit, si l’enfant tout petit se signale à la mère c’est du fait que les signifiants de cette dernière lui ont fait signe. Partant de ce constat, on peut dire comme Lacan, qu’il est faux de fixer le temps et de le rattacher à un avant et à un après. Il y a un savoir, et ce savoir est le signe de l’inconscient, (Op. Cité, P.126) et le signifiant est le signe de ce savoir. (Ibid. P.130) Dès que ce signifiant se laisse dire dans la bouche d’un enfant ou, dès qu’il lui fait signe, ce signifiant se subjective dans le sens où il crée pour un être parlant son propre passé.
Me basant sur ce que je viens de vous dire, je me pose, je vous pose cette question : que faut-il faire de l’article de Ferenczi sur la confusion des langues. Ou encore, que peut-on faire avec l’idée de la castration par la médiation de la parole de Dolto ? Beaucoup a été écrit là dessus avec parfois des attaques injustes à l’égard de deux. Parmi ces attaques il y en a une qui devrait être repris ici : Ces gens disent que Ferenczi aurait réintroduit le trauma alors que Freud l’avait complètement abandonné. Ce trauma est celui de l’impact des soins d’une mère obsessionnelle par exemple, produit dans le vécu intime de l’enfant tout petit. Quand la mère, pour nettoyer son bébé, frotte énergiquement la partie intime de son bébé, pensant pour mieux le nettoie-t-il, ou l’excite-t-il ? Des situations de cette nature sont fréquentes. Que fait-on quand un enfant chevauche la jambe de son père ou de sa mère ou d’un autre adulte ? Peut-on ne rien dire ? Dolto vous auraient dit si vous acceptez cette situation que vous participez sans le vouloir à l’excitation de cet enfant, et votre corps devient l’objet de sa jouissance. Dolto s’adresserait à l’enfant pour lui dire : je vois que ton zizi ou ton sexe te joue un tour et te voilà en train utiliser le corps d’un autre au service de ta jouissance. Tu n’as pas le droit de le faire, comme d’ailleurs l’adulte n’a pas à le faire avec toi. Pour moi, voilà des situations où le sexualité infantile à besoin d’être nommée, castrée par la parole, sinon il y a lieu de croire qu’une perversion non voulue s’instaure entre l’enfant et son entourage.
J’ai connu dans ma pratique des situations de cette ordre, assez complexes et parfois sidérantes. Voici un exemple, une mère venait d’adopter un enfant à l’étranger. Il avait autour de 8 à 9 mois à son arrivée. Cette jeune femme allait vite découvrir qu’un bébé si petit faisait des érections au moment où elle lui prodiguait des soins corporels. Cela la fascinait tellement qu’elle cherchait à provoquer l’érection de son bébé en lui soufflant sur le zizi.
Voilà encore une fois un exemple de confusion des langues à la Ferenczi. Cette jeune mère, n’ayant jamais eu affaire à un garçon venait de découvrir ce que c’est que la sexualité infantile et s’en étonnait. A la perversion polymorphe de l’enfant répondait l’étonnement intéressé d’une femme qui voulait cet enfant hors sexe. Par perversion polymorphe Freud désignait l’organisation de la sexualité infantile. Les activités de l’enfant comme le suçotement, jeux avec le corps, les excréments, l’alimentation, la défécation toutes ces activités sont sources de plaisir et d’auto-érotisme. L’enfant nous dit Freud est cruel, intelligent, et barbare qui ne recule devant rien. A cet égard, la sexualité infantile ne connaît ni loi ni interdit et s’organise pour employer les objets au service de sa satisfaction.
Une confusion des langues se fait si on suit Ferenczi par la nature erronée d’un message qui s’engage entre enfant et adulte. L’adulte suscite par ses actes des sensations qui font intrusion dans le réel du corps de l’enfant, ou comme dans le cas de cette dame, une interprétation adulte des activités corporelles de l’enfant.
A-t-on affaire à une femme perverse et faut-il croire que l’enfant élevé par elle court nécessairement le risque de d’un inceste ou d’une évolution perverse potentielle ? Et dans ce cas, faut-il lui enlever l’enfant ?
De nos jours, tout s’est organisé autour de la judiciarisation de tout débordement entre enfants de deux sexes. Aucune maitresse, aucun directrice d’école n’se plus prendre le temps pour s’intéresser à ce qui se passe entre les enfants et de chercher à en parler aux enfants. Les parents ont tendance à porter plainte contre le corps enseignant et contre l’enfant.
Nous faut-il nous affoler aussi ?
Dolto encore une fois, ne se serait pas affolée. Elle aurait dit à cette femme, c’est fou ce qu’il y a comme différence entre les garçons et les filles. Vous venez de découvrir comment ça marche pour un garçon et vous ne croyez pas vos yeux. Plus vous vous extasiez, et plus vous le sollicitez sur ce plan, plus il va vous servir et c’est normal. Vous partagez chacun la jouissance de l’autre et cela vous excite tous les deux. Maintenant que vous venez de découvrir comment ça fonctionne pour un garçon, il va falloir apprendre à répondre en tant que mère. On va s’atteler à cette tâche difficile. Cet enfant a besoin d’une mère et non pas d’une maitresse. Celle-ci entrera dans sa vie plus tard.
Dolto aurait raconté quelque chose de cet ordre, car brusquer cette femme risque d’interrompre le processus que la rencontre avec l’analyste est censé mettre en marche. Dolto serait partie de l’hypothèse que cette femme a enfin obtenu le phallus imaginaire et maintenant il va falloir faire une mère d’elle.
Un dernier point. L’enfant est intelligent et son intelligence entre au service de sa jouissance. Voici une des petites histoires de la Maison verte. Un garçon de trois ans qui jouait avec sa voiture à pédales avait envie de traverser la ligne rouge qui séparait l’espace de jeux de l’espace de repos de tous petits. A chaque tentative un adulte lui rappelait l’interdit de traverser de l’autre côté de la ligne rouge avec sa voiture à pédales. Au bout de quelque temps, l’enfant trouve une idée géniale, il porte la voiture et traverse à pied. Qu’elle a été à votre avis la réaction de Dolto ?

Nazir hamad